Le vrai voile par André Pratte

Lorsqu’une jeune femme insiste pour porter le niqab dans son cours de français, le Québec entier s’en scandalise, forçant le gouvernement à présenter un projet de loi. Lorsque sont publiées des données illustrant les graves difficultés d’intégration des immigrants au Québec, elles sont accueillies par une indifférence généralisée. C’est alors la majorité qui porte un voile intégral, refusant de voir une réalité pourtant bien plus préoccupante que le comportement de quelques exaltés religieux.

Le centre de recherche CIRANO vient de publier une étude exhaustive sur la place des immigrants dans le marché du travail canadien. Le constat est sans équivoque: les nouveaux arrivants ont beaucoup plus de mal à se trouver un emploi au Québec que dans les deux autres grandes provinces d’accueil, l’Ontario et la Colombie-Britannique.

Ainsi, en 2006, au sein du groupe d’âge de 25 à 54 ans, le taux de chômage atteignait 11,2% chez les immigrants au Québec contre 5,2% parmi les personnes nées dans la province. Surtout, ce taux de chômage était deux fois plus élevé que chez les immigrants installés en Ontario et en Colombie-Britannique.

Les chercheurs ont aussi remarqué au Québec un taux de chômage catastrophique (19,3%) parmi les immigrants récents (cinq ans et moins), contre 11,7% dans le reste du pays.

Cette piètre performance du Québec est très décevante puisque c’est le gouvernement provincial qui choisit la plus grande partie des personnes s’installant ici, sur la base notamment de leur connaissance du français et de leur formation. De fait, les immigrants sont de plus en plus instruits et parlent majoritairement français. Cependant, ces atouts ne les aident pas beaucoup. Même les gens qui viennent d’Afrique du Nord, dont bon nombre maîtrisent la langue française, subissent un taux de chômage beaucoup plus élevé au Québec (18,8%) qu’en Ontario (7,1%).

Comment expliquer ce phénomène? Les chercheurs avancent diverses hypothèses: problèmes dans la reconnaissance des compétences, discrimination, prestations sociales décourageant le travail, etc. Plusieurs facteurs sont sans doute en cause mais chose certaine, on ne peut laisser la situation perdurer. Le Québec a absolument besoin d’immigrants bien intégrés pour maintenir sa croissance économique et compenser les effets atrophiants du vieillissement de la population.

Cessons donc de faire une crise d’apoplexie collective à la vue du moindre voile pour nous préoccuper plutôt de ce problème aussi réel que grave. L’État québécois a en main les pouvoirs et les outils pour agir; qu’il s’en serve. De bons emplois pour les immigrants contribueront bien plus au développement de la société québécoise et à la préservation de ses valeurs que les solutions artificielles (ah! une charte de la laïcité!) concoctées par nos élus.

http://www.cyberpresse.ca/place-publique/editorialistes/andre-pratte/201004/07/01-4268243-le-vrai-voile.php