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Curieux sens des priorités

25 juillet 2010 admin 0

Achat d’un bâtiment qui allait servir de mosquée au centre-ville de Montréal par le gouvernement du Québec: «un geste d’exclusion d’une communauté» ? (CQCI)      Par François Cardinal (La Presse) Les coffres du Trésor sont à sec, répète le gouvernement à chaque discours. Et pourtant, Québec réussit toujours à trouver les sous nécessaires lorsqu’il se fixe des priorités. On l’a vu avec la procréation assistée, pour laquelle 63 millions seront versés. Et on l’a vu avec l’achat spontané de la Maison des hommes, un ensemble de bâtiments coincés entre le Faubourg Sainte-Catherine et l’ancienne maison-mère des Soeurs Grises pour lequel 2,1 millions viennent d’être débloqués comme par magie. En soi, ces deux décisions ne sont pas mauvaises. Elles se défendent, même. Mais ce qui est troublant, c’est la priorité accordée à ces deux dossiers aux dépens d’autres questions plus urgentes. On a déjà déploré dans ces pages la mise sur pied du régime d’aide à la procréation assistée le plus généreux au monde, au moment où le réseau de la santé tire le diable par la queue. Concentrons-nous donc sur la Maison des hommes. La ministre St-Pierre a décidé d’exercer son droit de préemption sur ce bâtiment, le 2 juillet dernier. Ce geste, qui lui permet de mettre la main sur tout bien culturel classé au moment de sa mise en vente, est exceptionnel: il avait été posé à ce jour une seule fois pour un bien immobilier, soit la bibliothèque Saint-Sulpice. On a accusé Québec d’agir ainsi pour bloquer les ambitions d’un groupe musulman qui souhaitait transformer la Maison des hommes en mosquée. Certains parlent même d’«un geste d’exclusion d’une communauté», comme le sénateur Serge Joyal et la fondatrice du Centre canadien d’architecture, Phyllis Lambert. Sans preuves, laissons le bénéfice du doute à la ministre, qui soutient plutôt avoir posé un geste patrimonial, dans le but d’éviter que l’ensemble conventuel, emblématique de la métropole, soit altéré par la perte de ses annexes en pierre grise. Soit. Tout apôtre de la préservation du patrimoine religieux reconnaîtra la noblesse d’un tel geste. Mais fallait-il pour autant en faire la principale priorité du ministère de la Culture? Fallait-il verser 2 millions de toute urgence pour un bien dont le sort n’inquiétait aucun organisme en patrimoine? Et surtout, fallait-il mettre une croix sur un projet de mosquée qui ne posait pas vraiment problème, sachant que toute modification apportée au bâtiment aurait, de toute façon, nécessité l’approbation du Ministère? Ce qui cloche avec cette décision, ce n’est évidemment pas la somme engagée, c’est son côté arbitraire. C’est l’importance accordée à un bâtiment protégé et en excellent état, tandis que se détériore à vue d’oeil la maison de Louis-H. Lafontaine, que le 9e étage de l’ancien magasin Eaton tombe dans l’oubli, que la gare Viger est honteusement placardée et que l’orgue de l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus est convoité par Toronto. Comme la procréation assistée, l’achat de la maison des hommes est un geste qui serait justifiable dans une société riche, qui a réglé l’ensemble de ses problèmes urgents. Mais ce n’est malheureusement pas le cas du Québec, comme le répète inlassablement le gouvernement.

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Aux Etats Unis, l’islamophobie se drape dans la vertu

7 juillet 2010 admin 0

 Thomas Nagant avec Courrier International et New York Times 06.07.10 – A New York et Miami, une campagne publicitaire sur les bus municipaux propose aux musulmans qui le souhaiteraient de les aider à se convertir à une autre religion. Sous prétexte de liberté de pensée, l’initiative masque mal une campagne anti-musulmane. « Il faut faire de la pub à destination des personnes qui veulent quitter l’islam« , explique Pamela Geller, une blogeuse conservatrice de 51 ans, responsable de l’association « Stop the islamisation of America« , également à l’origine de la campagne publicitaire. « Elles sont en danger de mort« , affirme-t-elle, en rappelant les textes des « hadith » (les paroles du Prophète tels que rapportés par la tradition et qui ne font donc pas partie du Coran) punissant de mort les apostats. L’organisatrice de la campagne omet de signaler que l’islam n’est pas la seule religion à punir l’apostasie, au moins de manière formelle : si le catholicisme se contente aujourd’hui de vouer l’apostat aux flammes de l’enfer tout en lui reconnaissant le droit de se faire débaptiser, il n’a pas toujours eu la main légère avec les « infidèles ». Et dans le judaïsme, la Torah revendique toujours la lapidation pour ceux qui changent de religion. Une publicité au « goût douteux » Sur les bus new yorkais, la publicité n’y va pas avec le dos de la cuiller : « Une fatwa au-dessus de votre tête ? Vous subissez des menaces de la part de vos proches ou de votre communauté ? » : une seule adresse : RefugeFromIslam.com. En fait d’aide, le site renvoie les candidats à l’apostasie vers d’autres sites dont « Formers Muslims United » ou « Muslims against Sharia », qui veut informer les musulmans sur les dangers de l’islam et appelle à sa réforme. En plus petit, le site signale que, le cas échéant, une « maison sûre » peut être mise à disposition. Sous leurs dehors charitables, ces propositions d’aide confortent en réalité l’idée que l’islam est une religion violente et irrespectueuse des droits fondamentaux. Des formulations « d’un goût douteux » pour Richard Bernstein, journaliste au New York Times, qui rappelle quelques faits d’armes de la pasionaria conservatrice. Cercle vicieux Celle qui se s’honore d’avoir interviewé sur son blog « des autorités  internationalement reconnues en matière de terrorisme, jihad et questions connexes » au rang desquels elle cite le populiste néerlandais Geert Wilders, avait déjà pris la tête d’une croisade contre l’ouverture d’un centre culturel dans un bâtiment désaffecté proche du site du World Trade Center. Le centre en question, la « Maison de Cordoue« se proposait d’être un lieu de prière mais aussi un lieu d’hommage aux victimes du « 11 septembre ». Une manière, pour les musulmans américains, de se démarquer des extrémistes. Pamela Geller, elle, n’aura vu dans le projet que celui d’une « megamosquée de Ground Zero » : « Un scandale, une insulte, une humiliation pour tous les Américains« , selon elle. Passant sous silence que, sans doute, nombre des victimes du 9/11 n’étaient peut-être pas à l’image du « white anglo saxon protestant » (« WHASP ») qu’elle entend défendre contre l’islamisation. Face à la logique de « cercle vicieux » dans laquelle cette islamophobie rampante semble s’engager, Richard Bernstein a cette formule : ceux, dit-il, qui propagent « l’idée que l’Amérique est ou devrait être l’ennemie [de l’Islam] » font « ainsi le jeu des djihadistes. Car plus nous faisons de tous les musulmans nos ennemis, plus de musulmans ennemis nous aurons« .