Aux Etats Unis, l’islamophobie se drape dans la vertu

 Thomas Nagant avec Courrier International et New York Times

06.07.10 – A New York et Miami, une campagne publicitaire sur les bus municipaux propose aux musulmans qui le souhaiteraient de les aider à se convertir à une autre religion. Sous prétexte de liberté de pensée, l’initiative masque mal une campagne anti-musulmane.

« Il faut faire de la pub à destination des personnes qui veulent quitter l’islam« , explique Pamela Geller, une blogeuse conservatrice de 51 ans, responsable de l’association « Stop the islamisation of America« , également à l’origine de la campagne publicitaire. « Elles sont en danger de mort« , affirme-t-elle, en rappelant les textes des « hadith » (les paroles du Prophète tels que rapportés par la tradition et qui ne font donc pas partie du Coran) punissant de mort les apostats.

L’organisatrice de la campagne omet de signaler que l’islam n’est pas la seule religion à punir l’apostasie, au moins de manière formelle : si le catholicisme se contente aujourd’hui de vouer l’apostat aux flammes de l’enfer tout en lui reconnaissant le droit de se faire débaptiser, il n’a pas toujours eu la main légère avec les « infidèles ». Et dans le judaïsme, la Torah revendique toujours la lapidation pour ceux qui changent de religion.

Une publicité au « goût douteux »

Sur les bus new yorkais, la publicité n’y va pas avec le dos de la cuiller : « Une fatwa au-dessus de votre tête ? Vous subissez des menaces de la part de vos proches ou de votre communauté ? » : une seule adresse : RefugeFromIslam.com.

En fait d’aide, le site renvoie les candidats à l’apostasie vers d’autres sites dont « Formers Muslims United » ou « Muslims against Sharia », qui veut informer les musulmans sur les dangers de l’islam et appelle à sa réforme. En plus petit, le site signale que, le cas échéant, une « maison sûre » peut être mise à disposition. Sous leurs dehors charitables, ces propositions d’aide confortent en réalité l’idée que l’islam est une religion violente et irrespectueuse des droits fondamentaux. Des formulations « d’un goût douteux » pour Richard Bernstein, journaliste au New York Times, qui rappelle quelques faits d’armes de la pasionaria conservatrice.

Cercle vicieux

Celle qui se s’honore d’avoir interviewé sur son blog « des autorités  internationalement reconnues en matière de terrorisme, jihad et questions connexes » au rang desquels elle cite le populiste néerlandais Geert Wilders, avait déjà pris la tête d’une croisade contre l’ouverture d’un centre culturel dans un bâtiment désaffecté proche du site du World Trade Center. Le centre en question, la « Maison de Cordoue« se proposait d’être un lieu de prière mais aussi un lieu d’hommage aux victimes du « 11 septembre ». Une manière, pour les musulmans américains, de se démarquer des extrémistes. Pamela Geller, elle, n’aura vu dans le projet que celui d’une « megamosquée de Ground Zero » : « Un scandale, une insulte, une humiliation pour tous les Américains« , selon elle. Passant sous silence que, sans doute, nombre des victimes du 9/11 n’étaient peut-être pas à l’image du « white anglo saxon protestant » (« WHASP ») qu’elle entend défendre contre l’islamisation.

Face à la logique de « cercle vicieux » dans laquelle cette islamophobie rampante semble s’engager, Richard Bernstein a cette formule : ceux, dit-il, qui propagent « l’idée que l’Amérique est ou devrait être l’ennemie [de l’Islam] » font « ainsi le jeu des djihadistes. Car plus nous faisons de tous les musulmans nos ennemis, plus de musulmans ennemis nous aurons« .