Par Eric Fottorino,
La délinquance urbaine est depuis trop longtemps un fléau que ni la droite ni la gauche n’ont su combattre. Cette violence sur les personnes frappe d’abord les plus modestes, nourrissant chez eux un sentiment légitime d’injustice et de frustration, de colère aussi, à la mesure de l’impuissance publique.Par son discours de Grenoble du 30 juillet, le président Sarkozy a voulu conjurer la faillite de sa politique en déclenchant une offensive sécuritaire choquante.
« Guerre » à la délinquance, « déchéance de nationalité pour les Français d’origine étrangère ». Lien établi entre immigration et criminalité. Stigmatisation des gens du voyage aux « grosses cylindrées », dixit Brice Hortefeux. Notion, contraire au droit, de « présumé coupable » proférée par le même ministre de l’intérieur, condamné en première instance pour injure raciale, et qui a trouvé à Nantes une cible sur mesure de voleur-violeur-exciseur-polygame.
De quoi jeter l’opprobre sur tous les musulmans, comme lorsque, en 2007, le candidat Sarkozy évoquait « les moutons tués dans les appartements ». Sous couvert d’assistance à populations en danger perce l’électoralisme cynique d’un chef de l’Etat qui semble chercher d’abord à sécuriser une victoire en 2012. Aucune fin ne saurait justifier de tels moyens, alors que l’ONU dénonce une montée de la xénophobie en France.
Depuis la « racaille » et le « Kärcher », ces marques de fabrique du sarkozysme, depuis la création du ministère de l’identité nationale et de l’immigration, rapprochement douteux suggérant que la seconde menace la première, le président construit le même mur. Celui des préjugés, des stéréotypes, des ennemis de l’intérieur. Celui de la défiance entre un Eux et un Nous, entre la France des « vrais » Français et la souffrance de tous ceux qui ne volent ni ne tuent, mais portent les stigmates de l’étranger. Le chemin a rarement été aussi court entre l’amour de soi et la haine des autres. La désignation de boucs émissaires n’effacera pourtant jamais la délinquance ni l’affaire Woerth-Bettencourt.
Le résultat est là : les mots ont été choisis comme autant d’armes qui créent la polémique et anesthésient la pensée. Par sa brutalité verbale et physique – on ne parle plus que de démantèlements de camps roms illégaux -, le pouvoir ferme la porte à toute réflexion intelligente. Là où il faudrait proposer, on ne peut que protester. Langage d’exclusion, d’élimination. Refus de remonter à la source des maux. Jeter les gens à la rue, miser sur la répression et réduire les moyens éducatifs : n’est-ce pas la pire manière de combattre la délinquance ?
Cette politique de l’humiliation donne une vision dégradante de l’action publique. La France n’est pas un pays raciste. Mais en activant les pulsions du racisme, l’exécutif bafoue nos principes et nos valeurs. L’article premier de la Constitution, faut-il le rappeler, affirme que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
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